L'amour de Napoléon se terre en sous-sol, dans une buanderie : "9 heures du matin/Je vous ai quittée emportant avec moi un sentiment pénible. Je me suis couché bien fâché (...) Quel est donc ton étrange pouvoir incomparable Joséphine (...) Toi cependant mio dolce amor tu as bien repose [?] As-tu seulement pensé 2 fois a moi !!! Je te donne trois baisé un sur ton coeur, un sur ta bouche, un sur tes yeux". Cette missive de deux pages adressée à son épouse, après une dispute amoureuse, fait partie d'une collection de 1.000 lettres écrites par de grandes personnalités du XVe au XXe siècles, conservée dans une armoire métallique équipée d'un déshumidificateur, coincée entre une machine à laver et un sèche-linge. Un trésor évalué à près de trois millions d'euros.
Les plus belles pièces de cette collection, précieusement amassée au cours de trois décennies par Albin Schram (ancien juriste décédé en 2005), sont vendues ce mardi 3 juillet chez Christie's à Londres. Les Français tomberont-ils sous le charme de la déclaration impériale, dont la mise à prix est fixée à 44.000 euros ? Judith Benhamou-Huet, journaliste aux Echos, avance l'idée d'un certain nationalisme des collectionneurs :
Dans le monde de la collection s'il est un domaine segmenté par des préférences nationales, c'est bien celui des manuscrits. Chaque pays collecte les traces écrites de ses grands hommes... avec quelques exceptions marquées pour des personnages hors du commun, comme Napoléon ou Einstein. Ce nationalisme des collectionneurs fait d'ailleurs le bonheur de quelques acheteurs avisés, qui détectent par exemple les manuscrits américains vendus en France pour les revendre, avec plus-value bien sûr, aux Etats-Unis ou vice versa.
Cette vente n'a pas échappé à Christine de Joux, responsable de la cellule des archives privées à la direction des Archives de France. Elle passe une grande partie de ses journées à scruter les pièces intéressantes dans La Gazette de l'Hôtel Drouot et les catalogues que les maisons de ventes aux enchères ont l'obligation de lui adresser. Elle alerte alors les Archives nationales ou les Archives départementales.
Comment s'oriente son choix ? Pourquoi une pièce plutôt qu'une autre ? "On n'achète pas de choses prestigieuses", souligne-t-elle en référence au manuscrit de l'empereur qu'elle qualifie d'"anecdotique par rapport à d'autres documents". Elle privilégie "la pertinence dans la logique des collections : un document intéressant est un document qui comble une lacune".
Christine de Joux pense davantage à la vente du lendemain à l'Hôtel Drouot. Une vente de documents où Victor Hugo et Abel Gance sont les principales figures. Le premier avec des lettres de familles pour la plupart des années 1825 à 1870 (estimées entre 400 à 4 000 euros), le second avec un ensemble de documents sur le projet du dernier volet de son Napoléon qu'il céda au réalisateur Lupu-Pick et que celui-ci tourna en 1929 (estimés entre 2 500 et 3 000 euros). En France, on en revient toujours à Napoléon.
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