Pendant la Première Guerre mondiale, 675 soldats français (selon les travaux de Guy Pedroncini) ont été condamnés pour mutinerie, désertion ou désobéissance. Mais le sort et la situation de ces hommes "fusillés pour l'exemple" sont controversés. Ce week-end, Jean-Marie Bockel a confirmé, sur RTL puis dans Le Figaro, envisager la réhabilitation au cas par cas de certains poilus, après l'étude des minutes des conseils de guerre :
Mes services sont en train d'examiner l'ensemble du dossier de façon minutieuse, car tous les cas ne sont pas équivalents. Il y a eu 600 personnes condamnées à mort entre 1914 et 1918 : parmi elles, un certain nombre de droits communs, comme il en existe à chaque guerre. Ils ne sont pas concernés par notre démarche. Nous voulons retrouver ceux qui ont été fusillés pour l'exemple, pour des raisons de refus de combattre ou de mutinerie.
Cette mesure, longtemps réclamée à la fois par les mouvements pacifistes et les associations d'anciens combattants, aurait pour effet d'inscrire ces soldats sur les monuments aux morts et donc dans la mémoire collective (comme le souligne l'Association laïque des amis des monuments aux morts pacifistes dans un reportage France 3 Rhône-Alpes-Auvergne). Pour appuyer cette demande, le Conseil général de l'Aisne, théâtre de combats sanglants, a adopté à la mi-avril un voeu dans ce sens. Mais cette relecture de l'histoire ne fait pas l'unanimité, comme le rapporte Anne-Laure Barret dans Le Journal du dimanche :
Jean-Jacques Becker, professeur émérite de l'université Paris X-Nanterre et grand spécialiste de la guerre, est plutôt hostile à une éventuelle réhabilitation. "De quoi se mêle le conseil général de l'Aisne ?" demande-t-il. La notion même d'exemplarité des condamnations lui semble discutable: "Ces soldats ont été jugés par les tribunaux militaires, il y a sans doute eu des erreurs judiciaires mais la forme a été respectée. Il serait faux de dire qu'ils n'étaient coupables de rien."
Le devoir de mémoire est un exercice nécessaire, à manier avec précaution et précision. En témoigne la réaction du Collectif de recherche international et de débat sur la guerre de 1914-1918 (Crid 14-18) au choix de la photo (et de la légende) qui accompagnait les principaux articles consacrés à cette réhabilitation des mutins :
Un rapide coup d’œil au cliché indique que ce dernier ne peut avoir été pris que pendant la première année de la guerre 14-15 alors que la troupe était encore en casquette, pantalon rouge et capote bleu sombre. Elle ne peut donc avoir été prise en 1917. En fait on ne connaît pas l’origine exacte de cette photo dont on pense qu’elle concerne un espion ou « pseudo-espion » fusillé soit à l’arrière des lignes soit à l’intérieur du territoire. Plusieurs centaines de condamnés pour espionnage ont été en effet exécutés dans les régions militaires de l’arrière.
Pour info :
Fin 2007, à SUIPPES dans la Marne, un monument à la mémoire des 4 caporaux de SOUAIN fusillés pour l'exemple à Suippes a été inauguré.
Rédigé par : zack mayo | 31 mai 2008 à 08:32
Mon grand-oncle Marius GAUZY n'était coupable de rien , en 1917, et pourtant il a bien failli être fusillé pour l'exemple! Je l'ai entendu dire que par bonheur il avait surpris la conversation de ses supérieurs:" S'il faut en fusiller un pour l'exemple, il n'y a qu'à prendre GAUZY son nom est déshonoré" Son aîné avait fait partie de la bande à Bonnot arrêtée en 1912. Mon oncle a pu fuir en Angleterre,et fut condamné à 20 ans de bannissement. Il ne revint en France qu'en 1937...puis qu'en 1946.
Rédigé par : JULLEMIER gisèle | 30 mai 2008 à 15:06
Sur les fusillés de 17, on lira égalemement avec attention le texte de Patrice de Plunkett http://plunkett.hautetfort.com/archive/2008/05/12/le-mutin-avait-la-croix-de-guerre.html
Rédigé par : Guillaume | 18 mai 2008 à 10:32
Dire que la mesure permettrait l'inscription au monument aux morts ne me semble pas tout à fait juste. Les monuments aux morts et plaques commémoratives n'ont jamais été gérées par le ministère de la défense mais soit par des communes soit par des associations ou des même des particuliers.
On peut donc trouver tous les cas de figure, avec soit tous les morts à la guerre de la commune, soit pas tous et un bon nombre de communes actuelles sont en train d'ajouter des noms au monument en faisant quelques recherches historiques...
Certains monuments étaient levés par souscription et n'y figurent que ceux dont les familles ont cotisé, certains monuments accueillent des soldats morts après 18, certains uniquement les résidents, certains les enfants des résidents ou leurs parentés proches, il y a fort a parier que certains accueillent déjà des soldats fusillés pour l'exemple...
Ne pas hésiter à venir lire les documents de MemorialGenWeb sur http://www.memorial-genweb.org/~memorial2/html/documents/
Rédigé par : Guillaume | 15 mai 2008 à 22:11
Lorsque vous parlez de 675 soldats français "condamnés pour mutinerie, désertion ou désobéissance", cela inclue-t-il les condamnations de droit commun ? Dans le cas contraire cela fait toujours 675 fusillés parce qu'ils refusaient de faire la guerre (peu importe la raison).
> "Ces soldats ont été jugés par les tribunaux
> militaires, il y a sans doute eu des erreurs
> judiciaires mais la forme a été respectée.
> Il serait faux de dire qu'ils n'étaient coupables de rien."
Jean-Jacques Becker a une façon assez policée d'envisager l'impartialité et la justesse des tribunaux militaires. Et s'il y a eu des erreurs judiciaires, elles sont impardonnables, et il est encore plus juste de dire dans le cas des condamnés par erreur qu'ils n'étaient coupables de rien.
Au-delà de ses compétences indéniables sur la question, je pense qu'il ne s'engage pas sur la vraie nature du débat. Il ne s'agit même plus de savoir si les fusillés étaient coupables de rébellion ou pas. Il s'agit de mettre en perspective l'absurdité d'une guerre, l'absurdité de mettre un fusil entre les mains d'hommes qui n'étaient pas prêts, et de comprendre que certains souhaitaient défendre leur pays par les armes, quand d'autres souhaitaient le défendre par le pacifisme et quand d'autres ne voulaient tout simplement pas aller à la boucherie. Sans qu'il soit question de juger qui avait raison et qui avait tort (fut-il possible d'avoir tort ou raison).
Très bonne analyse concernant la photo, en tout cas !
Rédigé par : Raphaël | 14 mai 2008 à 09:16
La réhabilitation des soldats "fusillés pour l'exemple" est nécessaire pour l'exemple.
Nos soldats n'ont pas déserté la mission de combat. Ils ont réfusé l'absurdité des ordres reçus.
C'est l'incompétence de certains chefs qu'il aurait fallu supprimer.
A méditer pour le présent et l'avenir.
Rédigé par : WARRIOR5 | 13 mai 2008 à 19:01