Appelée dans l’Est "nuit de saint Walbruge" et en Allemagne "nuit de Walpurgis", la nuit du 30 avril au 1er mai avait pour nos ancêtres une terrible réputation. Elle était ni plus ni moins celle du diable.
C’était en fait ce jour-là que Satan était censé descendre sur terre, de préférence dans les lieux reculés, comme sur les sommets des montagnes – les "monts chauves" peuplés de ruines d’anciennes forteresses -, où il convoquait ses "âmes damnées", autrement dits ses "suppôts", terme désignant étymologiquement ses subordonnés, mais que l’on pourrait rapprocher de nos modernes "supporters".
Ces suppôts formaient essentiellement la grande smala des sorciers, de ceux que l’on nommait les "créatures du malin" ou encore les "peut", c’est à dire "ceux qui puent". Les archives des nombreux procès de sorcellerie relatent toutes les mêmes témoignages. Les sorcières avouaient s’oindre ce soir-là le corps d’onguents magiques, qui leur donnaient la possibilité de se rendre au lieu fixé pour le rendez-vous en chevauchant leur balai. Comme toutes avouaient ensuite s’être livrées à Satan, qui les avait "connues charnellement", en leur faisant éprouver son énorme sexe, à la fois glacé et recouvert d’écailles, qui les blessait terriblement.
Hystérie ou onirisme collectif ? Plusieurs spécialistes ont étudié ces sabbats diaboliques, autour d’un Satan parfois incarné par un bouc et qui en profitait, ce jour-là, pour donner à ses disciples diverses recettes de poudres maléfiques. Au retour, au petit matin, sorciers et sorcières traînaient sur les prés une guenille pour ramasser la rosée du 1er mai, rosée réputée bienfaisante, mais qu’ils transformaient en substance nuisible et répandaient sur l’herbe de ceux à qui ils voulaient du mal et dont les vaches, en la mangeant, perdaient leur lait.
Terrifiés, la plupart de nos ancêtres se gardaient donc de sortir de toute la nuit. Mieux : beaucoup se prémunissaient contre les mauvais sorts possibles et avant de se coucher répandaient un peu partout du sel, à la porte de leur maison, comme dans les étables, écuries et poulailler, comme encore sur le dos des vaches et sur les barrières des prés et des champs. Et qui devait parfois mettre malgré tout le nez dehors, en mettait une poignée au fond de sa poche. Le sel, symbole de pureté et d’exorcisme et outil purificateur par excellence, était en effet le parfait antidote et à sa seule vue, le sorcier perdait ses moyens et s’éloignait sans demander son reste…
Alors, cette nuit, n'oubliez pas votrée pincée de gros sel...
Photo : Couverture de l'ouvrage de Jacques Roehrig, A mort la socière ! Sorcellerie et répression en Lorraine, ed. La Nuée Bleue, août 2007, 18 € (avec "2.300 noms sortis de l'oubli")
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