La ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a présenté ce 20 octobre en conseil des ministres le projet de loi sur la bioéthique, dont la mesure phare concerne la levée sous certaines conditions de l'anonymat des donneurs de gamètes, sperme ou ovocytes.
Le texte qui sera débattu en novembre à l'Assemblée prévoit "l'ouverture d'une possibilité d'accès à l'idendité du donneur (...) pour une meilleure prise en compte de l'intérêt de l'enfant", selon le compte rendu du conseil des ministres.
Quelque 1.300 enfants naissent chaque année en France à la suite d'un don de sperme ou d'ovule.
Le projet de loi, qui n'est pas rétroactif, permettra la levée de l'anonymat lorsque l'enfant majeur en fera la demande et si le donneur y consent. Pour les dons passés, il faudra que le donneur se manifeste de sa propre initiative et déclare qu'il est prêt à révéler son identité si cela est souhaité.
Le texte prévoit aussi l'accès à des données "non identifiantes" du donneur, comme son âge. Mais des informations plus précises, concernant sa motivation ou son milieu socioprofessionnel, ne seront recueillies lors du don que s'il l'accepte. Selon diverses études, les trois quarts des donneurs français refusent de pouvoir être identifiés un jour.
Ce débat pose le problème de la filiation, consubstantiel à la généalogie.
"La filiation est multiple : sociale, affective, charnelle ET biologique", affirme l'association Procréation médicalement anonyme (PMA), en pointe dans ce combat. "L'anonymat des donneurs ajoute à la rupture de la filiation le poids d'un secret".
En cela, son combat rejoint celui des enfants nés sous X qui demandent l'accès à leurs origines. Opposés à la levée de l'anonymat par crainte d'une chute des dons, les Cecos, les centres de conservation des oeufs et du sperme humains, ont pu faire valoir que ces enfants, contrairement à ceux nés sous X, n'ont pas été abandonnés mais au contraire étaient désirés au point que leurs parents aient entrepris une démarche médicale pour les avoir.
Mais l'argument de "l'enfant à tout prix" agace les militants de PMA. "L'homme que je suis ignore une partie de ce qu'il est parce qu'il ignore une partie de ses racines, de son histoire, de ses origines", témoigne un adhérent, Raphaël, sur le site de l'association.
L'ambivalence est là, pourtant. Fanny, 29 ans, se souvient qu'elle commençait à constituer son arbre généalogique lorsque, à 17 ans, elle a appris la vérité sur sa conception. "Du coup j'ai vite arrêté parce que je ne voyais pas l'intérêt de n'en connaître que la moitié", raconte-t-elle. Elle ajoute ensuite : "Je ne veux pas retrouver un 'père' puisque j'en ai déjà un que je ne changerais pour rien au monde, mais je voudrais me reconnaître dans le visage ou le caractère de mon donneur".
La généalogie a cela de bon qu'elle remet les choses en perspective. Combien d'entre nous sommes issus d'un père inconnu, voire d'un abandon pur et simple... Sans parler de toutes les conceptions adultérines qui font que nos arbres ne sont pas tous, loin s'en faut, "biologiques". Qu'en diront dans 100 ou 200 ans les descendants des enfants issus de procréations médicalement assistées ? Voilà de quoi nourrir la réflexion, sans nier les difficultés d'aujourd'hui.
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