Dans un article publié récemment dans la revue Enfances, familles, générations , l’anthropologue Caroline Legrand offre une analyse très intéressante sur l’évolution des pratiques en matière de généalogie : elle met en lumière la véritable révolution apportée par la démocratisation de l’outil Internet et par l’apparition de tests ADN, en provenance des Etats-Unis, dans le travail du généalogiste. Elle parle d’un bouleversement de "l’univers de la généalogie de même que l’image quelque peu archaïque qui colle à ses adeptes".
Selon les constations de l'anthropologue, l’Internet a favorisé la rapidité, l’accès direct à de multiples données biographiques et a permis à des généalogistes de se retrouver au sein de forum, à partir d’un patronyme commun… Mais ce qui semble plus questionnant dans cette révolution scientifique, c’est la biotechnologie qui vient questionner les notions de la parentalité et de famille. Il s’agit, pour les généalogistes, à travers le recours à des tests ADN, de "clarifier et établir leur filiation" ceci pour le plus grand profit de laboratoires d’analyses, anglo-saxons pour la plupart, qui inondent le marché. Les médecins, dans un souci de vivre dans un monde de plus aseptisé, auraient "contribué à transformer la généalogie en un instrument de prévention" en demandant à leurs patients de reconstituer leur patrimoine génétique afin de déceler une trace de maladie dans les gênes de leurs ancêtres.
Dans cet article intitulé "Internet et le gène : la généalogie à l’heure des nouvelles technologies", Caroline Legrand s'interroge sur la notion même de parenté et sur la façon dont Internet et les tests ADN contribuent à la construction identitaire :
Découvrir une consanguinité, une filiation grâce à l’ADN ou à la recherche informatique suffit-il véritablement à transformer l’identité du généalogiste et ses relations à autrui ? (…) Suffit-il à deux individus de partager (…) une référence commune à un même ancêtre, un nom ou un marqueur génétique, pour se vivre au présent comme des parents ?
Basée sur des relations réciproques d’obligations et d’échanges, la parenté se veut un bien collectif. Elle doit être un sentiment partagé et consenti (…) de sorte qu’il n’est pas possible de prétendre qu’Internet et la génétique puissent à eux seuls fournir des éléments d’information performatifs, et ce, en dépit de toutes les opportunités nouvelles qu’ils offrent aux généalogistes d’aujourd’hui et de demain.
(c) Dessin de Thierry Duchesne pour un article paru dans le n° 174 de La Revue française de Généalogie intitulé "Mon ancêtre l'Homo sapiens"
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