Le rapport est sur le bureau de la ministre de la Culture qui pourrait bientôt trancher en faveur de la "réutilisation des données culturelles", comme l'annonce le Figaro. Mais cette décision est loin de faire l'unanimité. En clair, pour ceux qui ne parlent pas le jargon politico-culturel, cela veut dire que le droit de reproduction de l'état civil ancien (et toutes autres données culturelles) pourra être revendu à des prestataires privés. Lesquels prestataires pourront librement numériser et placer sur Internet cette précieuse matière généalogique et l'intégrer à leurs bases de données payantes.
Or la revente de données publiques n'est pas du goût de tout le monde. A commencer par certains des membres du Groupe de travail sur la réutilisation des données culturelles, un groupe créé au sein du ministère de la Culture pour étudier la question. Car la "libre réutilisation" ne serait pas sans conséquences.
La première serait d'officialiser le principe de la vente sur Internet de données issues des archives publiques. Pour ses plus féroces détracteurs, c'est là une belle brèche ouverte dans l'esprit du service public, toujours gratuit et accessible librement à tous. Pour ses partisans, c'est au contraire une occasion d'étendre encore la mise à disposition de données sur le Web, sans que cela ne coûte un sou à l'administration (cela pourrait même devenir rentable) et sans pénaliser l'usager qui conserve de toutes les manières un droit d'accès gratuit (à condition de se rendre sur place).
L'autre effet de cette mesure pourrait être la libéralisation du marché, sans doute juteux, de la généalogie. En l'ouvrant largement à tous les opérateurs, les départements pourraient bien céder aux sirènes des www.ancestry.fr et des www.genealogie.com et signer avec eux la numérisation et la mise en ligne de leur état civil ancien. On pourrait ainsi passer de 39 départements (dont deux payants) à 100 départements avec état civil en ligne… dont seulement 37 gratuits. Et à ce petit jeu, nul ne sait combien de temps le modèle du gratuit résisterait à l'envahissante poussée du payant…
Image : http://portal.unesco.org
Raymond,
Quel intérêt pour une entreprise de numériser et mettre en ligne des registres si c'est pour qu'ensuite la collectivité territoriale concernée récupère gratuitement les archives numérisées et les mette elle aussi en ligne ?
Quant aux Mormons, il ne s'agit pas d'une société agissant par intérêt économique. Le cas est donc différent ;-)
Rédigé par : Raphaël | 27 octobre 2008 à 11:08
Pourquoi ne pas imaginer que la société commerciale qui obtiendrait la numérisation de tous les registres soit dans l'obligation de remettre un exemplaire de son travail à l'Etat ou Archives départementales lesquels pourraient mettre ensuite leurs registres en ligne et gratuitement.
C'est bien ce qui s'est fait avec les Mormons ?
Rédigé par : Raymond | 27 octobre 2008 à 08:15
bonjour
tout le monde semble s'étonner quant aux dérives commerciales de cette loi.
faut-il rappeler que déjà dans le projet de loi de 2006 il n'y avait rien qui s'y opposait.
d'autre part à ma connaissance le groupe communiste a proposé des amendements à ce sujet
faut-il rappelé que le texte gouvernemental a été saboté en commission par les élus de la majorité,mais signé par le président de la république aussitot voté.
alors protesté je veux bien mais n'est-il pas un peu tard.
cordialement
roger
Rédigé par : vogel | 25 octobre 2008 à 05:56
Pan sur mon bec ! Il faut rectifier bien sûr: il s'agit dans mon message d'un accord entre la société Coutot-Roehrig et le CG66 donc des Pyrénées-Orientales et non de celui des Pyrénées-Atlantiques.
D'ailleurs, en me rendant sur leur site http://www.cg66.fr/culture/archives/index.html , je vois que la mise en ligne des fonds est prévue à l'horizon 2010-2012. Pas très rapide...
Rédigé par : Isabelle N | 24 octobre 2008 à 17:33
Bonjour Mr de Morant,
Comme vous êtes auteur de l'article, peut-être pourrez-vous nous donner plus de détails sur ce groupe de travail constitué au sein du Ministère de la Culture et qui travaillerait sur la réutilisation des données culturelles. Vous le mentionnez ici même, mais pouvez-vous nous en dire plus : qui le compose, savez-vous où il en est dans ses travaux, à qui s'adresser pour s'informer, etc ? Vous dites que le rapport est sur le bureau de la Ministre de la Culture. Vous parlez même de "feu vert" dont votre titre laisse à penser qu'il serait imminent. Qu'en est-il ? De même, les Archives de France n'ont-elles pas leur mot à dire en la matière ? Vous nous laissez sur notre faim en disant les choses à moitié. Soyez plus clair.Ainsi, serions-nous peut-être à même de comprendre dans quelle mesure il y a péril en la demeure et s'il y a motif à mobilisation au plus vite.
A ce titre, je porte à votre attention, la convention de partenariat passé en juillet 2007 entre le Conseil Général des Pyrénées-Atlantiques et la Société Coutot-Roehrig http://www.cg66.fr/institution/session/2007/session_070730/deliberation/dlb63_cvt_numerisation_archives.pdf.
Le contenu de l'article 4 sur la "Propriété et utilisation des données" semble avoir prévu toutes les dérives possibles (revente des données) et avoir été rédigé en sorte de les empêcher, mais n'étant pas juriste, je ne suis peut-être pas à même de débusquer les failles à un tel accord...
En tout cas, il est clair que les archives publiques intéressent énormément certaines sociétés privées, comme la société Coutot-Roehrig et qu'il faut faire attention, comme vous le dites, à ce que certains conseils généraux ne soient pas tentés de conclure dans le futur des accords de partenariat avec ces sociétés, accords qui, eux, prévoieraient de mettre en ligne leur fonds, mais de façon payante.
Au plaisir de vous lire...
Rédigé par : Isabelle N | 24 octobre 2008 à 16:58
C'est bien ce qu'il me semblait, merci pour la confirmation !
Le projet n'est pas forcément plus rassurant, mais ça fait déjà un peu moins peur ;-)
Rédigé par : Raphaël | 24 octobre 2008 à 11:32
C'est bien sûr du droit de "réutilisation" dont il s'agit tout au long de l'article et non de la cession des originaux. Désolé pour cette phrase brumeuse que je rectifie.
Rédigé par : Guillaume de Morant | 24 octobre 2008 à 10:37
En effet l'article du Figaro mélange un peu les mots et les termes, puisqu'il s'agit bien d'une collection privée qui a été achetée par Ancestry. Mais les commentaires sur le site du Figaro montrent bien que ce n'était pas si clair que ça, notamment avec des phrases indiquant que parmi le fonds se trouve "l'acte de naissance du peintre Edgar Degas"... Je ne vois pas comment il pourrait s'agir légalement d'autre chose que d'une copie.
La question de la privatisation de la mise en ligne des archives publiques d'état-civil est par contre réellement plus ennuyeuse. Mais comme il est dit, les originaux resteraient bien sûr consultables sur place aux AD. Ce qui pourrait certainement bloquer les futures mises en ligne gratuites par les départements, mais pas empêcher les généalogistes de généalogiser :)
Guillaume, je suis par contre un peu interrogé par votre phrase "l'état civil ancien (et toutes autres données culturelles) pourra être revendu à des prestataires privés". Que le droit de numérisation ou les numérisations elles-mêmes d'archives publiques puissent être revendus à des sociétés privées, c'est envisageable dans la situation actuelle, probablement avec quelques petits ajustement légaux.
Mais les documents en eux-mêmes ne pourront, je l'espère, jamais être revendus à des privés. Si cela devenait le cas, ce n'est même plus une pétition qui suffirait pour s'indigner !
En ce sens, le titre du Figaro est sacrément racoleur, en suggérant que "des pans entiers de l'état civil vont passer aux mains du privé".
Remarque, on nous le dit assez, c'est la crise. Va bien falloir les vendre ces vieux documents poussiéreux :)
Rédigé par : Raphaël | 24 octobre 2008 à 09:55
Merci de nous avoir alerté ! Votre article ne mélange pas tout contrairement à celui du Figaro qui parle et du fonds Coutot (fonds privé) et des archives publiques, risquant ainsi de nous faire passer à côté de l'essentiel. Devant ce qui semble se tramer dans notre dos au sein même des Archives de France ne convient-il pas d'adopter la position adéquate : réagir en demandant des explications à ces mêmes archives et, si cette menace semble plus que fondée, en lançant au plus vite une pétition auprès des généalogistes. Qui est prêt à l'organiser ?
Rédigé par : Isabelle N | 24 octobre 2008 à 09:02