Après le député communiste Jacques Brunhes, c’est au tour du député UMP Alain Cousin de vouloir réformer le lieu de naissance.
Depuis 40 à 50 ans, avec le développement des accouchements en maternité, ce lieu de naissance s’est en quelque sorte dépersonnalisé ou du moins banalisé et les pages des registres de naissance de la grande majorité de nos communes restent depuis lors désespérément blanches.
Mais qu’y peut-on ? Le lieu de naissance reste le lieu où l’on naît. Comme celui de décès est celui où l’on meurt – mais lui aussi s’est banalisé, avec les décès en hôpital et maisons de retraite. Il en va ainsi. C’est le sens de l’histoire et de l’évolution de la société et l’on comprend mal comment on pourrait sérieusement agir. Proposer de le remplacer par une sorte de lieu d’attache, correspondant au domicile des parents, tient véritablement du gadget – exactement comme pour le numéro du département sur les nouvelles plaques d’immatriculation (d’ailleurs le député Moulin, interviewé, a lui-même fait ce rapprochement).
On ne voit guère comment nos élus pourraient s’aventurer sur ce débat… Mais on doit se souvenir que pour le nom de famille, le projet tout aussi fantaisiste d’un député tout aussi obscur a un beau matin abouti à une loi bizarre, aux modalités d’application pour le moins bancales. On se dit donc qu’ici, la distinction du lieu réel de naissance physique et de ce que l’on pourrait donc nommer un « lieu d’attache » pourrait finir par se dégager et le côté récurent de ce projet parlementaire tend à faire penser qu’il correspond à un réel besoin méritant réflexion, à l’heure où est lancé le débat sur l’identité nationale.
Cette réflexion passe par la constation que le citoyen du XXIe siècle entend manifestement maîtriser son identité et s’en réaproprier les éléments qui la constitue. Après avoir obtenu une possibilité de choix - certes limitée, mais jusque-là jamais imaginée – de son patronyme, alors que certains arrivent à changer de sexe et qu’une procédure assez simple permet de changer de prénom, il ne restait plus guère que le lieu de naissance qui résistait.
Réapropriation, refus du hasard et des normes administratives ? L’intérêt porté à ce lieu témoigne certainement d’un besoin très aigu de repères, d’une idéalisation des valeurs familiales et généalogiques. Même si l’on sait que si pour nos grands-parents ce lieu n’était pas toujours celui du domicile de leurs parents – beaucoup naissaient par exemple chez leurs grands-parents, on voudrait faire de cet élément de l’identité un marqueur familial. On voudrait surtout pouvoir l’utiliser, comme le patronyme, pour affiner son identité, la forger et la remodeler à sa convenance. Pour gommer l’aléa. Faire que l’affectif l’emporte sur l’administratif. Pour être mieux dans sa peau, face aux autres ou à son miroir.
En fait, comme celui touchant au nom, le débat sur le lieu de naissance est beaucoup plus profond et beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît.
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