L'annonce par Le Figaro d'une main-mise des notaires sur l'état civil a provoqué la stupeur, parfois l'indignation chez les généalogistes. Il semble que le soufflé soit en train de retomber. Car les craintes sont quand même complètement hors de proportion. Reprenons "l'affaire" depuis le début. Le 31 mai, le quotidien publie un article sous la plume de Laurence de Charette qui titre : Les notaires partent à l'assaut de l'état civil. Dans son papier, plutôt rédigé pour de bons connaisseurs de la lutte entre les professions d'avocats et de notaires, la journaliste pose les termes d'une proposition inédite.
En cette période de réduction des déficits, avec pour toile de fond la réforme des collectivités, ces officiers ministériels proposent de soulager les mairies de leur travail de délivrance d'extraits et de copies de l'état civil. En effet, les notaires seraient à l'origine d'environ 60% des demandes de copies et extraits d'actes d'état civil délivrés par les mairies, notifiant aux services d'état civil un nombre croissant de mentions à porter en marge de leurs actes : notoriété, changement de régime matrimonial, désignation de la loi applicable au régime matrimonial, reconnaissance d'enfant... Ces échanges, réalisés sur support papier, avec double saisie, sont une source de délais et d'erreurs préjudiciables aux citoyens, font-ils valoir.
Premier point, cette proposition est-elle crédible ? Elle supposerait la mise en place d'une architecture technique et informatique redoutable. Concrètement, on imagine mal comment cela pourrait être possible, au moins dans un futur proche. Mais essayons de suivre la pensée notariale. Pour parvenir à dresser son acte authentique (une vente, une succession, etc.), un notaire doit demander des extraits de l'état civil pour s'assurer de l'identité des contractants. Actuellement, il le fait par courrier à la mairie du lieu de naissance de chaque personne. Avec cette proposition, les notaires n'auraient qu'à tapoter sur leur système informatique sécurisé pour demander et obtenir un extrait authentique de tout acte d'état civil. La question à poser à présent est : existe t-il une base de données nationale de l'état civil de chacune des 36.000 communes ? Non, bien sûr. Toutes les mairies disposent t-elles seulement d'un système informatique pour leur état civil ? Pas si sûr...
Tout cela paraît bien brumeux et difficile à réaliser, à moins d'investir des centaines de millions (payés par les notaires ?) à la constitution d'une base de données mise à jour en temps réel. Alors d'où vient le malaise des généalogistes ? Sans doute du fait que les notaires sont en train d'expérimenter le système avec l'état civil de Nantes, celui des Français nés à l'étranger. C'est possible justement en raison de la centralisation absolue des actes (ils sont tous à Nantes et informatisés, toute personne concernée peut d'ailleurs demander un extrait par Internet) et non pas disséminés dans chacune des 36.000 communes de l'hexagone. Et puis les notaires ont également pris en main le fichier des hypothèques, indispensable pour pouvoir établir les droits de propriété de toute parcelle en France. Pour autant, cela leur donne t-il la gestion des hypothèques ? Non, ils sont simplement les premiers utilisateurs d'un outil qu'ils ont contribué à mettre en place.
Inquiets dans un premier temps, les généalogistes professionnels ont vite réagi. Isabelle Malfant-Masson, présidente de la Chambre des généalogistes et héraldistes de France, invite ses adhérents à "ne pas prendre cet article au pied de la lettre" qui manifestement "traduit mal les propos des notaires". Pour mieux comprendre leur pensée, la lecture de la proposition originale est souhaitable (fichier PDF), tout comme celle de l'arrêté du Garde des Sceaux auquel elle se réfère (fichier Word). La dématérialisation fait peur. Pour autant, faut-il frapper les esprits en agitant l'épouvantail de la privatisation de l'état civil ?
La proposition des notaires est effectivement mal retranscrite par cette journaliste.
Il faut préciser que cet article intervient dans le contexte d'un projet d'échange de données dématérialisées d'état civil mené par le ministère de la justice. Ce projet vise notamment les demandes effectuées dans le cadre de la réalisation des titres d'identité.
L'acte d'état civil ne sera plus demandé à l'intéressé mais se fera en informatique du système du ministère de l'intérieur vers les états civils.
Les notaires ont bien compris l'intérêt qu'il pouvait avoir à utiliser le même système. Leur proposition consiste à affirmer leur rôle actuel dans l'alimentation en information des états civil certainement en prévision d'une négociation sur les conditions de leur participation à ce dispositif...
Rédigé par : Vincent | 04 juin 2010 à 18:05