Le ministère de la Culture devrait se parer en 2009 d'une nouvelle organisation, dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques, communément appelée "RGPP". Afin de "maîtriser et rationaliser les dépenses publiques tout en améliorant la qualité des politiques menées", le ministère de la rue de Valois devrait reposer sur uniquement trois directions générales. L'actuelle direction des Archives de France se transformera ainsi en un simple service, intégré à une direction générale des Patrimoines qui englobera également l'architecture, les musées, le patrimoine monumental et l'archéologie.
Mais le personnel et les usagers s'opposent à cette évolution, au motif qu'elle touche à la nature même des missions des Archives de France. A leurs yeux, cette institution bicentenaire doit "avoir une visibilité suffisante dans l'organigramme de l'Etat, témoignant clairement de son rôle interministériel et de sa légitimité à assurer le contrôle scientifique et technique sur les collectivités territoriales. Il doit disposer d'un pouvoir de décision véritable", comme le souligne l'appel "pour sauver les archives" de l'intersyndicale Archives de France. Sa pétition a déjà recueilli 3.700 signatures.
Le rôle politique des Archives de France est également au coeur de la pétition récemment diffusée par la Fédération française de généalogie : "Elle doit disposer d’un pouvoir de décision autonome pour assurer ses missions de collecte et de contrôle scientifique comme technique, de conservation et de communication des archives publiques." Selon l'Association des archivistes français, "la nouvelle organisation surestime l’aspect patrimonial au détriment de la gestion homogène de l’information" (lire son communiqué de juillet 2008 en format PDF ici).
Christine Albanel a souhaité "dissiper les inquiétudes" en assurant, dans un communiqué diffusé le 20 novembre, que "chacune de ces entités (musées, archives, patrimoine et architecture) sera dirigée par un responsable clairement identifié dont [elle] souhaite qu'il appartienne à l'équipe de direction". Mais cette brève mise au point a eu peu d'effet.
La réunion, initialement programmée à la mi-décembre pour affiner les décrets d'application sur l'organisation des futures directions, pourrait être reportée à la fin janvier. Les contestataires espèrent mettre à profit ces quelques semaines de répit pour mobiliser autour du maintien d'une réelle direction des Archives de France.
Les archives sont considérés par la réforme générale des politiques publiques (RGPP) comme un patrimoine vieux, figé et mort, un peu comme une collection de manuscrits anciens de bibliothèque, donc il n'est guère besoin de s'occuper, et non pas comme un ensemble dynamique en permanence en cours de collecte : c'est une conception obscurantiste des archives qui prévaut ainsi, qui nie toute l'évolution du XXème siècle en matière d'archives et, qui ne sert qu'à justifier une réduction drastique du personnel scientifique. Comme l'écrit l'association des archivistes français, la collecte des archives publiques ne s’assimile pas à la constitution des collections ou la
politique d’entrée d’objets dans un musée : http://www.archivistes.org/IMG/pdf/Communique_-_l_AAF_et_la_RGPP_-_09juil08.pdf
Le ministre de la culture a refusé le dialogue avec les syndicats et a refusé de recevoir l'Association des archivistes français. A la différence de La Croix et de l'Humanité, mais aussi de Libération et de la Tribune de l'art et d'Actualitté.com, le Monde aussi a refusé d'ouvrir ses colonnes à l'Association des archivistes français qui alerte depuis janvier 2008 sur les conséquences catastrophiques de ce qui va bien plus loin qu'une toilettage d'organigramme : http://www.archivistes.org/article.php3?id_article=593.
La ministre de la culture ne convainc personne : l'articulation autour du métier était déjà effective à la Direction des Archives de France, elle l'a toujours été, les archivistes ont même une "culture métier" extrêmement structurée et carrée (cf. le référentiel métiers récemment publié par l'Association des archivistes français ; l'opulence et la feignantise n'ont jamais caractérisé le secteur archives du ministère de la culture. La RGPP qui lui est appliquée ressemble à une exécution indigne, alors que tous les professionnels ont besoin de la Direction des Archives de France, dans une position forte au sein des institutions de l'Etat pour jouer le rôle régalien qui est le sien et qui le différencie radicalement de tous les autres secteurs de la culture.
Avec peu de moyens, la direction des Archives de France a énormément travaillé, portant cette année la loi du 15 juillet 2008, livrant plusieurs textes réglementaires importants et organisant de multiples manifestations de qualité tournées tant vers le public que vers les professionnels : http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/actus/
Les généalogistes lui doivent cette année l'ouverture des archives de l'état civil et des notaires à 75 ans (au lieu de 100 précédemment).
Manifestez-vous, signer la pétition, intervenez auprès de vos élus. Tout ce qui est enlevé à l'action de la Direction des archives de France, est un mauvais service rendu au public et aux citoyens que nous sommes : http://www.cfdt-culture.org/nvx_repertoires/syndicat/sections/CR_nonsecrets/archives/080630_petition_sauver_archives.htm
Rédigé par : Louise L. | 27 novembre 2008 à 03:01
La réduction à un simple service s'accompagne surtout, et c'est le plus grave, d'un effacement total des missions relatives à la collecte et au pilotage des politiques françaises en matière d'archives et d'une réduction drastique du personnel scientifique qui assurait ces missions, alors qu'on va vers des archives de plus en plus électroniques (donc beaucoup plus difficile à collecter et à entretenir), différentes (effets des réformes institutionnelles en cours) et pour lesquelles on n'aura pas les outils nécessaires pour assurer la collecte et la conservation. Pour ceux que cela intéresse, on, peut voir ce que sont ces outils, qui représentent un gros travail de mise au point conceptuelle et juridique et de mise à jour périodique et permettent à tous les services d'archives d'aller ensuite sur le terrain récupérer les archives à moindres frais : http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/gerer/).
Je suis archiviste, j'ai besoin tous les jours de ces ressources. Parce que le monde change continuellement, j"ai besoin qu'elles soient à jour, actualisées et enrichies régulièrement par une direction d'administration centrale fiable, professionnellement forte, et capable de négocier avec toutes les institutions. Je n'ai pas besoin des coincoins inutiles d'un service croupion dirigé par un vague "responsable".
L'effacement est aussi total vis à vis de la communauté scientifique et du public et sur le plan international où la Direction des Archives de France joue un rôle essentiel depuis fort longtemps : des générations entières d'archivistes dans le monde, travaillant dans le public comme dans le privé viennent acquérir en France une formation archivistique de haut niveau : http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/action-internationale/formations/ . Et l'heure serait à la promotion de l'excellence française ? Le sort fait à la Direction des Archives de France permet d'en douter fortement.
Rédigé par : Louise L. | 27 novembre 2008 à 02:58