Le premier ministre François Fillon accompagné de Frédéric Mitterrand et Martine de Boisdeffre était ce matin à Pierrefitte-sur-Seine pour poser la première pierre du futur centre des archives nationales. Clin d'œil du calendrier, cette cérémonie arrive juste après l'inauguration du nouveau centre des archives diplomatiques de La Courneuve. Sans esprit de compétition, il flottait ce matin sur le chantier de Pierrefitte au moins deux questions :
- le bâtiment signé Massimiliano Fuksas sera t-il aussi réussi que celui d'Henri Gaudin à La Courneuve ?
- dans 4 ans en 2013, lorsque celui-ci ouvrira, sera t-il inauguré par
un directeur (ou une directrice) des archives de France ?
La première question devrait trouver une réponse positive. Pierrefitte sera un gigantesque coffre opaque offrant les qualités d'inertie thermique nécessaires pour conserver les papiers anciens. Le public ne sera pas pour autant accueilli dans le noir, la lumière viendra des satellites de verre abritant salles de lecture et espaces communs. Le futur centre s'étendra sur une surface totale de 60.000 m2, avec des salles de lecture de 310 places au total et une capacité de 320 km de linéaires d'archives, ce qui est considérable et rassurant pour l'avenir : chaque année, l'administration française produit 8 km d'archives à conserver. Pierrefitte ne viendra pas remplacer le Centre Historique des Archives Nationales de Paris, mais le compléter, puisqu'il a vocation à accueillir les archives postérieures à 1790. Le minutier central des notaires restera à Paris, même pour les registres postérieurs à la Révolution.
Pour le côté politique des choses, pas un mot n'a été prononcé sur l'avenir du poste de directeur des archives de France dont on sait qu'il est en sursis, ni par le premier ministre, ni par le ministre de la Culture (qui n'a d'ailleurs pas pris la parole), ni par l'actuelle titulaire de ce siège éjectable, Martine de Boisdeffre.
Le cœur réjoui, les généalogistes ont cependant entendu François Fillon dire que la France irait "aussi loin que possible vers le numérique" et saluer la passion de la généalogie, "ce phénomène de société qui prend une ampleur considérable", au point que "la moitié des projets de numérisation concerne des documents consultés par les généalogistes". Décidément très en verve, le premier ministre a également dit du bien du site Web du ministère de la Culture "le plus fourni au monde, jugé convivial et ergonomique" et annoncé que la France allait prendre la tête d'un portail commun multilingue des archives européennes.
En attendant la fin du chantier en 2013, les fonds d'archives post-1790 du site historique de Paris sont récolés (on vérifie s'ils sont bien là), toilettés, désinfectés parfois, avant de prendre la file d'attente pour un déménagement qui s'annonce comme le plus important transport d'archives jamais organisé.
Donc, peu importe que la Direction des Archives de France soit mixée dans une improbable "Direction des Patrimoines" qui ne s'occupera QUE du patrimoine BATI dans une perspective touristico-financière et qui se moque totalement du secteur archives, peu importe que toute politique archivistique aille à vau l'eau en France. Après tout, il en s'agit que de l'histoire de la France et de nous autres, les français du XXIème siècle ....
Les archivistes du monde entier sont venus tout au long du XXIème siècle se former en France. Ce phare s'éteint.
La Direction des Archives de France a construit tout au long du XXème siècle les outils dune gestion moderne des archives. Ce phare s'éteint.
Elle a forgé les outils de l'administration électronique pérenne. le gouvernement n'en a pas voulu, curieusement. Ce phare s'éteint.
On jette à la poubelle un travail fantastique qui permet néanmoins à M. Fillon de faire quelques belles phrases, mais pas plus ("la moitié des projets de numérisation ....") et on s'étonnera dans quelques années du plongeon que tous ces beaux projets auront fait.
En matière de patrimoine écrit et archivistique, on s'enfonce dans la ringardise et une vision archaïque qui n'est pas du fait des archivistes, furieux d'être ainsi niés et surtout inquiets pour ce que cela révèle des changements institutionnels en cours : pas d'archives, pas de preuves, pas de contraintes .....
Idem pour la Direction des Musées de France et la Direction du livre et de la lecture : il n'y a plus que de l'économie numérique et de l'industrie culturelle, bref du fric et de la fanfreluche pour amuser le bon peuple ...
Pour ceux qui ne ne satisfont pas de cette mort annoncée et de ce gâchis incroyable au nom d'une prétendue "efficacité", il y a une pétition à signer et à faire connaître. Toute la profession des archivistes l'a signée, c'est dire si l'heure est grave : http://www.petitionduweb.com/Disparition_de_la_Direction_des_archives_de_France-4434.html
Rédigé par : Sylvie | 11 septembre 2009 à 17:23