Le constat est cinglant : "Trop de lois, trop de textes mal ficelés, trop de précipitation dans la prise de décision". A travers son enquête publiée fin janvier 2010 dans Le Monde, Patrick Roger dresse le portrait de "Parlementaires au bord de la crise de nerf" et énumère sans concession les indices d'un travail législatif bâclé.
La loi sur les archives n'a pas échappé à ce phénomène. Plus d'un an après son adoption, Pascal Even n'est pas loin de partager cette opinion... avec la prudence que lui impose son poste. Pendant plusieurs mois, il a porté ce dossier devant les députés et sénateurs, au nom des Archives de France ; il rencontré différents interlocuteurs pour négocier un texte le plus équilibré possible. Mais, au final, il concède "ne pas s'être retrouver dans ce texte ; il ne reflétait pas notre vision des choses". Pourtant, les avancées étaient réelles : instauration du principe de libre communicabilité des archives et réduction des délais pour consulter certains documents. "Si nous devions appliquons stricto les dispositions, il n'y aurait plus de communication".
Le législateur a souhaité concilier deux textes à l'approche bien différente : la loi sur les archives et la loi CADA sur l'accès aux documents administratifs. Comme le nouveau texte n'était pas applicable dans sa version finale, la commission des Lois a proposé de procéder par ordonnance pour achever l'harmonisation. "On n'a pas privilégié une instruction générale, précise Pascal Even. Il est paru préférable de sortir des instructions thématiques plutôt qu'un texte général qui aurait exigé d'être amendé".
Donc nouvelle tournée de négociations avec les notaires, l'INSEE, la Chancellerie... Cela prend du temps ! Mais, aujourd'hui, les chercheurs bénéficient de nouvelles dispositions plutôt avantageuses, suite à la publication d'une série d'instructions. Guillaume de Morant - qui avait déjà écrit plusieurs notes à ce sujet sur GénéInfos, en fournit une analyse détaillée dans le dernier numéro de La Revue française de Généalogie : aucune restriction à consulter une liasse d'actes notariés de plus de 75 ans, un délai de 50 ans pour les dossiers de naturalisation, des précisions sur la consultation des dossiers médicaux des patients décédés, un rappel de la loi pour un délai de consultation de l'Enregistrement fixé à 50 ans et un accès aux recensements... dès 1975.
Dans ce dernier cas, le délai fixé initialement à 75 ans a explosé en vol. Ce revirement de situation est savoureux : l'INSEE a vivement bataillé à chacune des étapes d'élaborations, jusqu'à l'Assemblée nationale et au Sénat en sollicitant l'appui de certains parlementaires, pour maintenir un délai contraignant et le filtre du comité du secret statistique. "Ils se sont vite rendus compte de la nature des recherches qui étaient faîtes." Mi-décembre 2009, la ministre de l'Economie a signé un arrêté qui ouvre par dérogation générale toutes les listes nominatives de recensements... au nez et à la barbe des parlementaires !
C'est très simple : puisque l'Etat laisse communiquer les listes de recensement de population, je ne me laisse plus recenser et je réponds de façon fantaisiste quand je n'ai pas d'autre choix. Si l'Etat veut qu'on lui mente, il n'a qu'à continuer comme ça.
Rédigé par : Saint-Thomas | 04 mars 2010 à 04:50